ABRIS FROIDS
Coupler barrière physique et gestion climatique
par Claude Thieryil y a 6 mois8 min de lecture
Des boîtiers ventilés, placés à trois hauteurs différentes, permettent de voir l’impact de la stratification de l’air. Dans chacun d'eux la température et l’hygrométrie sont mesurées. Le dispositif est complété par des capteurs situés dans la végétation (microclimat), pour la température des feuilles, l'humidité...
Les stratégies sous abris froids sont toujours à l’essai afin de maîtriser la pression des ravageurs et maladies, et s’affranchir des produits phytosanitaires de synthèse tout en conservant la qualité des cultures.
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Sous abris froids non chauffés – soit la majorité des cultures abritées en France –, la maîtrise des conditions climatiques et sanitaires est plus délicate qu’en serres de production chauffées où le climat est optimisé.
Le projet Apaf*, développé entre 2021 et 2024 à la station d’expérimentations Astredhor Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) de Brindas (69), a comparé différents itinéraires techniques pour augmenter l’efficience des abris froids et limiter l’utilisation des produits phytosanitaires.
Plusieurs leviers ont été expérimentés : - optimisation de la maîtrise climatique des abris ; - intégration de filets insect-proof (IP)pour diminuer la pression des ravageurs ; - utilisation de la ventilation mécanique (brasseur et déstratificateur) pour homogénéiser l’air et éviter le confinement ; - adaptation de la conduite agronomique et sanitaire.
L’apparition et le développement de la plupart des maladies fongiques – notamment les trois principales : botrytis, mildiou, oïdium – sont étroitement liés au taux d’humidité de l’air à proximité des végétaux ainsi qu’à sa température.
Dans le cas du botrytis, la température optimale d’expansion se situe entre 16 et 25 °C, conjuguée avec une humidité relative supérieure à 85 % pendant six heures et un feuillage mouillé durant une longue période (condensation ou arrosage mal programmé).
Pour le mildiou,la température optimale nocturne sera entre 8 et 16 °C, suivie de journées chaudes, et avec une hygrométrie optimale comprise entre 80 et 85 % selon le stade de développement du champignon.
Pour l’oïdium, la pire des situations serait des journées chaudes et sèches suivies de nuits froides et humides. L’ombrage, la faible intensité lumineuse, la présence de rosée amplifient les risques. À noter que les courants d’air favorisent la dissémination des spores et que les blessures constituent une porte d’entrée pour le champignon.
La prévention de ces maladies fongiques passe par un suivi constant des périodes favorables afin de réagir à leur apparition. Pour cela, il est nécessaire de disposer de mesures fiables : - les appareils de mesure du climat sous abris doivent être disposés dans des boîtiers de protection ventilés par un flux d’air constant pour s’affranchir de l’effet d’échauffement en journée lié au rayonnement solaire ; - en journée, on constate de forts écarts de température entre le haut de la serre et le niveau des cultures, c’est pourquoi il faut placer les appareils au plus près des plantes. Les capteurs seront installés au sein de la végétation. La mesure de la température foliaire pourrait fournir des données encore plus précises. Des capteurs (fournisseur XeniLabs) ont été testés dans ce but. Cependant, le système est difficilement transférable en horticulture, la température de la feuille pouvant varier de manière importante. De plus, les capteurs sont relativement chers et fragiles (fixation aimantée sur une feuille). Par contre, il a pu être montré que des capteurs de température plutôt sommaires (toujours XeniLabs), mis dans la végétation, pouvaient donner des résultats assez précis sur des indicateurs comme le point de rosée ; - les mesures de température et d’humidité relative de l’air au plus près du végétal, permettent, par calcul, de déterminer la température à laquelle on atteindra le point de rosée et d’évaluer ainsi les risques de condensation sur les feuilles. Si ce risque est fort, le producteur peut prendre des mesures préventives pour limiter l’apparition de maladies fongiques : aération plus importante, traitement préventif.
En période estivale, l’ouverture des ouvrants favorise l’entrée des ravageurs. Pour y faire face, l’installation de filets, en créant une barrière physique, peut limiter l’infestation.
Les filets disponibles sur le marché diffèrent sur plusieurs critères. En premier lieu, il faut choisir une taille de maille en rapport avec la taille des insectes ciblés. En second lieu, le mode de conception et la composition (polyéthylène, polyamide, polyester) influent sur le coût, la durée de vie, la résistance à l’abrasion ou aux ultraviolets.
Dans le cadre du projet Apaf, des expérimentations ont été conduites dans un tunnel. Celui-ci a été séparé en deux : un compartiment témoin et un compartiment IP (insect-proof) équipé d’un filet de maille 250 x 720 microns (Ultra R TIP Texinov) constituant une barrière physique jusqu’à la taille des aleurodes.
Contre les cicadelles, les punaises du genre Lygus et Nezara, les lépidoptères, le filet a bien joué son rôle avec un affranchissement presque total de ces derniers. Contre les pucerons, malgré la taille de maille employée, le filet, s’il a freiné la progression, n’a pas empêché l’infestation. En effet, il freine l’arrivée des auxiliaires (syrphes et parasitoïdes), si bien que les plantes du compartiment IP ont été plus dégradées que celles situées dans la zone témoin.
Les thrips de taille plus petite ne sont, en théorie, pas ciblés par la dimension des mailles. Néanmoins, suivant les conditions et le type de culture, l’effet du filet a été constaté, notamment en culture maraîchère avec lâchers d’auxiliaires, celui-ci limitant la sortie de ces derniers.
Parallèlement, la présence de filets IP n’est pas sans effet sur le climat de l’abri : entre autres, une réduction du renouvellement de l’air et une augmentation de l’humidité relative.
En été, sur des concombres avec bassinages, la serre avec IP semble induire un climat plus favorable dans le tunnel : plants plus vigoureux, rendement multiplié par 2,5 par rapport au témoin.
En journée, le tunnel IP diminue l’effet du vent et homogénéise le climat. Il occasionne un ombrage supérieur de 9 %, l’effet d’un bassinage persiste plus longtemps, d’où une diminution de la température au niveau des plantes entre 1 et 1,75 °C et un déficit hydrique plus faible. La nuit, pas de différences climatiques significatives avec la zone témoin.
Par contre, dans le cas de plantes en pot sans bassinages, l’effet sur le climat est plus négatif : la présence du filet, en réduisant les renouvellements d’air, accroît la température de 1 °C.
Sur cultures hivernales (salades et bisannuelles), en présence de filets, un rendement plus élevé a été observé malgré une augmentation de l’humidité relative et du risque d’apparition de maladies.
Le coût d’installation d’une serre IP s’élève à environ 30 à 40 centimes par mètre carré de filet par an pour la fourniture (amortissement en quatre ans) et varie fortement selon le type d’installation, par exemple 20 centimes/m²/an pour un dispositif amovible.
Brassage de l’air, à l’horizontale ou la verticale
L’objectif est d’homogénéiser les températures dans la serre et ainsi de limiter les écarts climatiques : température, hygrométrie, CO2 entre les différentes zones. Les appareils sont positionnés en hauteur sous les écrans thermiques.
Les ventilateurs horizontaux ou brasseurs d’air exercent une circulation horizontale de l’air. Leur dimensionnement doit assurer une capacité de brassage entre deux et quatre fois le volume de la serre par heure. Ils sont efficaces surtout en journée, quelle que soit la saison, donnant une température intérieure plus homogène. Mais ils ont peu d’effets au niveau de l’hygrométrie relative.
Dans les différents essais en cultures d’hiver et de printemps, les brasseurs d’air semblent, au contraire, augmenter la pression des maladies cryptogamiques.
Les ventilateurs verticaux ou déstratificateurs (serres d’au moins quatre mètres de haut) mélangent les strates hautes et basses, l’air chaud étant plus léger que l’air froid. Ils génèrent un brassage plus homogène, avec des vitesses d’air plus faibles, limitant le stress sur le végétal, mais ont des portées plus réduites : il faut donc compter un déstratificateur pour environ 200 à 300 m² au sol.
Leur efficacité est mesurée surtout en hiver et au printemps, quand les ouvrants latéraux sont fermés. Des effets intéressants sont constatés : plants plus compacts, moins de taches de pourriture sur fleurs, une évaporation plus rapide des gouttelettes d’eau sur les feuilles.
L’été, avec l’ouverture des ouvrants, le vent domine rapidement l’effet du déstratificateur.
Le bon dimensionnement de ces appareils est essentiel pour une bonne efficacité tout en limitant les mouvements d’air sur les végétaux (inférieurs à 1 m/s). Les coûts observés dans les conditions de l’expérimentation se situent autour de 56 centimes/m²/an pour l’installation et de 0,30 centimes/m²/an pour la consommation électrique.
*Projet Astredhor développé avec différents partenaires techniques et financiers : XeniLabs, Agrithermic, Institut Agro Rennes-Angers, Serail, CTIFL et financé par le ministère de l’Agriculture/Casdar Résumé et détails techniques ici